Au départ, j’y suis allé à petites doses.
S’évader était un privilège de gamin occidental dont je comptais bien profiter. Je travaillais pour voyager, j’étais en couple pour voyager, je vivais pour voyager. Je ne voulais pas m’enfoncer dans une carrière ou me perdre dans une histoire d’amour. J’en étais fier, comme un ado après sa première taffe. Je pensais pouvoir m’arrêter quand je le voulais. Et c’était suffisant, à mes yeux, pour faire de moi quelqu’un. Pour le reste : “On verra quand j’aurai 25 ans”. De toute façon, le virus du voyage, c’était des conneries.
Les retours étaient toujours un plaisir. Mon lac Léman, quelques amis, imaginer son prochain départ, travailler, un peu, et rêver, beaucoup. Premier visa, premier tampon sur le passeport, premier road-trip. Chaque nouvelle dose était accompagnée de personnes que j’aimais, amis ou copine. L’euphorie était partagée. Puis j’ai plané, plusieurs mois, dans un premier voyage au long cours 5 mois d’aventures à un rythme effréné. Australie, Nouvelle-Zélande, Indonésie. Je suis devenu accro. Il était là, le bonheur. Je suis certain de l’avoir effleuré, reniflé, ressenti. À chaque réveil sur le siège passager ; dans les yeux de mes compagnons de vadrouille ; face à l’horizon étranger ; les mains sur le volant ; dans les dortoirs cosmopolites ou allongé sur le marbre des aéroports ; dans la beauté des paysages ; dans la liberté d’avancer. Dans la fierté d’être quelqu’un, ailleurs.
Parfois, j’ai l’impression d’être toujours à la recherche de ce premier gros shoot.

S’en sont suivis des dizaines de petits voyages et souvent, l’amour suffisait à étouffer une envie de replonger plus fort, pour plus longtemps. Puis, j’ai eu de la chance. J’ai pu acheter un appartement et le rénover avec un père débrouillard et dévoué. Il a passé les deux tiers de sa vie à suer en Suisse pour sa famille. J’ai passé la moitié de la mienne à me dire que je voulais éviter ça. Quelques mois plus tard, la dernière touche dans mon joli appartement venait d’être installée. Une peinture 50*150, achetée 29€ sur internet. Pas peu fier de ma trouvaille, je me suis assis sur mon canapé et je me suis retourné vers mon tableau bon marché. Silence. Encore combien de soirées dans cet appartement j’allais faire en me voilant la face, un cocktail maison à la main? Et surtout, combien de personnes ont accroché cette merde au mur? Je n’avais aucune intention de me poser. Il fallait partir, longtemps.
Mon appartement me rapporterai 500€ net tous les mois, j’en dépenserai 700 en voyageant. En étant large, le jour du départ il me fallait 2000€ sur mon compte pour vivre. Les 3500€ de billets d’avion et tous les frais d’avant départ allaient m’occuper quelques mois. Mon esprit, en attendant, serait occupé à l’idée d’un si grand voyage. Tiens, et si je racontais mon futur voyage de manière originale…?

Si les départs me mettent toujours autant en extase, les retours me laissent de marbre. Pire, parfois ils font mal. Pourtant cela me semblait normal de rentrer, fin novembre, après 7 mois de voyage autour du monde. Je rentrais parce que c’était décidé d’avance, écrit sur le billet. Une fois passé Noël, j’ai compris qu’il ne suffit que de quelques jours pour que tout revienne à la normale : mon regard sur la vie, mon nihilisme d’adolescent, mon envie d’être loin et d’oublier. Surtout, je ne rentrais pour personne. Au fur et à mesure de notre périple, ma copine était redevenue une amie et mon binôme de voyage était encore trop occupé à bien gagner sa vie en Suisse. La Suisse et ses salaires de rêve. L’Éden pour ceux qui rêvent d’une télé toujours plus belle et plus grande, qui ont une famille et des enfants à habiller, ou qui veulent économiser rapidement de l’argent. Elle a financé mon premier long départ et a payé ma petite voiture sans crédit. Depuis, je n’ai rien fondé, pas de télé, toujours les mêmes fringues et je ne désire plus le dernier iPhone. Avant de partir en Australie, c’était le 3Gs.
Certes, mon lac Léman est toujours aussi beau, et ensuite ? Je pensais rentrer avec quelque chose de fort alors que je ne ressentais plus rien. J’ai repris un avion, seul.
Des avions il y en a eu d’autres. Mais les petites piqûres me font moins de bien, elles ne me calment plus. Je sais que les expériences plus intenses ne manquent pas mais il faut être capable de les concrétiser. J’entends déjà des gens me dire que j’ai beaucoup trop de chance pour chouiner de cette façon. Ils n’ont pas forcement tort. Ils sont mère au foyer, boulanger, musulman, futur avocat, breton ou fan de Johnny. Moi, quand on me demande ce que je fais dans la vie, je réponds en souriant que je voyage, alors qu’au fond, je me demande qui je suis. À force d’être partout, ma fierté de jeune voyageur a disparu et l’impression d’être quelqu’un s’est dissipée. De retour, je n’existe plus qu’à moitié. Indifférent, j’attends. Comme si une partie de moi était déjà repartie. Peut-être même, jamais revenue.
Deux options s’offrent à moi maintenant : faire une cure ou risquer l’overdose.
J’ai toujours été quelqu’un d’excessif.
Le titre de cet article m'a intriguée plus que les autres : "Camé" … puis plus j'avance dans la lecture plus je me dis: oups, je suis dedans aussi ! haha
Continue l'écriture de ton blog, il est top!, merci beaucoup pour les tips ici et la, la bonne humeur dans ton écriture et tellement d'autres choses!
Bonne continuation, et bon prochain voyage en Thailande, Australie …. 🙂
Le frisson du voyage… Encore et toujours! J'ai rarement lu des articles aussi justes… Tout est là! Le prochain qui me dit "Mais pourquoi tu as tout le temps envie de voyager?", je lui envoie ton article. Merci!
Ton article est toujours au top, comme d'habitude j'ai envie de dire.
L'avantage avec toi c'est que lorsque tu voyages, que tu sois seul ou non (physiquement), nous les gens qui lisons tes articles nous voyageons automatiquement avec toi !
Je me souviens encore de ta vidéo dans laquelle on te voyait un peu partout (Pérou, Indonésie, Bolivie…), je l'ai vu des dizaines de fois et fait partager à des amis et proches autant de fois. C'est pour nous juste un moment de bonheur partagé, avec tes articles.
Si encore tu te demandes un jour qui tu es, à quoi tu sers ou autre, alors tu peux te dire que tu es quelqu'un qui à chaque nouvel article, apporte quelques minutes de bonheur aux personnes qui te suivent 😉
A bientôt !
Qui tu es? Un très bel écrivain avec une plume magique qui vient de partager sa dose… De rêve avec moi maman au foyer derrière son écran, juste merci ça fait longtemps que je lis et la ça m’a touché et donné envie de voyager. Quand on veut on peut grâce a vous les globe trotter on le sait. Merci c’était bon… Amuse toi bien et continue de nous faire rêver avec tes photos drôles et belles en attendant prend ton pied 😉
Merci beaucoup ! C’est un peu trop pour moi mais dans le doute, j’accepte volontiers tous ces compliments ^^
Merci Marine ! Bonne chance pour t'en sortir alors 😉
Merci beaucoup Steve pour ton message 🙂
Merci ! Tu as raison, diffuse la bonne parole 😉
J'ai lu et relu …ton article, si évocateur pour moi… l'attente, l'excitation, l'euphorie, la découverte, la nostalgie, en vouloir toujours plus, ne pas le concevoir autrement, y penser constamment… se sentir accro… tout est juste. Tu peux être fier de toi, tu fais parti de ces gens qui réalisent leur rêve, et tu permets aux autres d'y croire… juste pour ça : Merci !! ;o)
Tu as raison, c'est le minimum de me relire ahah. Vraiment Merci Lie 🙂
Super plume, bravo ! J'aime la direction que prend ce blog !
Merci Jo 🙂
[…] Thibaut, c’est un peu le mec qu’on déteste et qu’on plaint à la fois. On le déteste parce qu’il est allé partout, il a fait des trucs trop cool, et il EST trop cool. Thibaut, c’est le mec qui prend ses pieds en photo partout dans le monde, vous vous souvenez ? Enfin il prenait. Parce qu’il est revenu. Et son article est à ce propos : son retour. Et c’est là qu’on le plaint. Thibaut, depuis son tour du monde, il est accro au voyage, et Thibaut, il en veut toujours plus. Il nous raconte comment le voyage est devenu pour lui une drogue, aujourd’hui frustré de ne plus pouvoir ressentir ces sensations des premières fois, de ce grand voyage autour du monde. Thibaut est un camé. […]
Je n'arrivais pas à dormir, je suis maintenant complètement reveillée.! Ton article fait sens chez moi. Il est déjà incroyablement bien écrit (au risque de passer pour une originale…) et il déclenche sincèrement l'envie de te lire encore plus…! Cette soif de découvertes qui ne tarie jamais et qui n'est jamais complètement satisfaite…C'est fou comme tu parles bien! bonne continuation 🙂
N’as-tu jamais envisagé de publier tes récits de voyage? A mon avis tu devrais.
Merci Françoise ! Je l’envisage oui mais je pense que j’ai encore besoin d’expérience. Enfin, je crois.
Merci ! Mary? May? Maron? Bon alors si je parle bien, c'est tout bon 🙂 "fait sens" ça sent la Suisse ça, je me trompe ? ^^
Nope, je suis française.. juste de passage pour quelques mois à Genève 🙂 Aurais-je déjà assimilé des tics de langage? (J'espère pas hihi). Et pour finir, oui Mary-May c'est bien ça
Toi Schweppes, c'est pour de vrai? ;-p
Non, c'est un autre type de boisson gazeuse en réalité 😉
🙂
Super bel article, juste ce qu’il faut d’humour et de sensibilite. on s’y retrouve vraiment.
Bravo pour ton blog, c’est un plaisir de te lire depuis le sud ouest de la france:)
Merci Beaucoup ! Content d’apprendre qu’on me lit avec plaisir également dans le sud ouest. 🙂
Super article qui donne quelques pistes de réflexion sur la vie en générale et notamment sur cette société figée qui nous pousse dans une seule direction. Toute personne souhaitant s’en éloigner devient bizarre, en marge de toutes les normes établies…
Comme mon comparse de World Poker trip, j'aime la nouvelle approche plus personnelle… 😉 Moi je te conseille l'overdose, le résultat est toujours définitif.
Merde je suis droguée:-) j'avais pas vu ça comme ça mais c'est tellement vrai. Merci, tu m'as ouvert les yeux. Je suis foutu. Vive l'overdose.
(J'adore)
Merde je suis droguée:-) j'avais pas vu ça comme ça mais c'est tellement vrai. Merci, tu m'as ouvert les yeux. Je suis foutu. Vive l'overdose.
(J'adore)
BONJOUR -oui j’aime votre texte -mais il me fait un peu peur !! oui les voyages c’est formidable – mais comme vous le dites si bien – il faut se trouver MAIS EN REGARDANT LES PHOTOS ET LES VIDEOS DES VOYAGE C’EST VRAI qu’on voyage un peu avec vous – quand on ne peut pas partir c’est bien de voir vos reportages – merci
Merci Bernard, c’est un plaisir de partager mes voyages 😉
Quelle claque, quel plaisir à vous lire. je me retrouve en vous, quelques années en plus mais toujours la même envie accrochée à mon âme : partir, découvrir, apprendre.
je ne vous connaissais pas avant ce billet.
Nul doute qu’a compter de ce jour, je m’en vais lire tous vos petits papiers avec délice.
merci de me prouver que d’autres sont aussi déraisonnables que moi.
A moi de vous confirmer que votre soif d’ailleurs ne s’éteindra jamais.
Merci beaucoup 🙂 Je vais essayer de pas décevoir alors ^^
[…] baissée dans « la vraie vie ». Petit à petit c’est devenu une drogue. Ma première expérience de voyage sur plusieurs mois et deux compagnons de route […]
Ta plume est merveilleuse! Je suis touchée par ce que tu dis et la façon dont tu le dis… C’est à la fois ton ressenti mais je crois que nous sommes beaucoup à le partager… sans parfois avoir trouvé les mots. Et tu viens de le faire.
J’avais croisé tes posts sur le net et surtout ta (à présent célèbre) vidéo de tes pieds parcourant le monde. Je m’étais dit: tiens un autre jeune écervelé avec un bon concept. (écervelé, c’est pas méchant, c’est un jeune fou.. et j’aime bien la folie, c’est fade la vie sinon). Mais je m’étais arrêtée là faut le reconnaitre.
Avec ce texte, je découvre ton site et ta façon de parler des voyages, de la vie… et c’est beau.
Tu dis que tu te cherches mais nous on t’a trouvé! 😉
Continues comme ça
Merci beaucoup Alice 🙂 Toujours touché et un peu surpris lorsque l’on complimente mes écrits.
Ton article est un miroir de ce que ressentent tant d’entre nous. La soif d’aventure, cette addiction au voyage… À travers tes mots, tu évoques parfaitement ce sentiment d’évasion. Continue à nous inspirer et à partager ces moments précieux. J’attends déjà le prochain article avec impatience ! Bravo et merci.