La nuit, j’ai peur du silence. J’ai toujours besoin d’un son qui m’accompagne avant de sombrer. Cela peut prendre des heures. Je sens mon coeur battre et il me rappelle à quel point je suis périssable.
En grandissant j’accumule les peurs plutôt que de les voir disparaitre. J’ai peur d’avoir des enfants et j’ai même peur que le plafond me tombe sur la tête si des voisins sautent à l’étage du dessus. En fait, je pourrais vous faire toute une liste de peurs qui sont bien souvent totalement ridicules. Et pourtant, même un lendemain d’attentats, je n’ai pas peur de vivre.
Depuis 3 jours, je prends chaque soir 2 pilules bleues pour mieux dormir. Et ça s’est révélé être plutôt efficace. Hier matin j’étais donc réveillé juste avant les premières explosions. Une fois que j’ai appris la nouvelle, j’ai laissé la télé éteinte pour ne pas rentrer dans ce jeu journalistique qui consiste à vous maintenir dans un état de choc, à la recherche des images les plus chaotiques et du témoignage le plus émouvant. Je me suis donc contenté d’actualiser les news régulièrement sur l’ordinateur.
Face aux attentats, soudainement la vie s’affiche sous son plus mauvais jour et notre petit monde s’écroule. Et je sais que je donne parfois l’impression d’être étranger à tout ça.
Je me souviens l’avoir déjà remarqué lors des attentats de Paris alors que nous étions quatre français à Las Vegas. Pour l’un d’entre nous, le voyage était terminé. Il ressentait le besoin de rentrer, revoir sa famille et en somme, retrouver une vie normale. Je voyais bien qu’il ne me comprenait pas et qu’il ressentait comme de l’indifférence de mon côté, alors que les chaines d’infos américaines ne parlaient que de ça toute la journée. Ce n’est pourtant pas que les attentats à Paris ne m’avaient pas touché. Non, bien sûr, après avoir vu son pays attaqué si violemment, j’accusais le coup, comme tout le monde. Mais, accuser le coup, j’avais l’impression de le faire déjà quotidiennement. Je n’avais vraiment pas besoin d’un rappel.
Depuis une semaine j’étais bouleversé par ce vieux clodo qui baignait dans sa pisse à la sortie de mon motel, j’étais retombé sur cette vidéo en hommage à ce gosse de 8 ans fan de catch et mort d’un cancer, et j’analysais les différentes théories sur la tuerie qui avait eu lieu près de Los Angeles quelques jours auparavant. Le tout sur fond de discours de Donald Trump, de guerre en Libye et de crise migratoire. Pour la première fois, j’avais même du mal à me plonger dans le poker. Ce jeu qui me permet pourtant d’habitude de tout oublier.
Malgré tout, quelques jours après les attentats de Paris, je suis reparti en road-trip, en bonne compagnie. Et face au lac Mead, ce jour là, le voyage avait parfaitement rempli son rôle. Isolés sur une butte pas vraiment destinée aux touristes, la voiture mal garée à quelques mètres de là, le silence et quelques chips comme seuls compagnons, nous avions réussi sincèrement à croire que la vie était belle.
La vie continue.
Il ne reste rien pour me faire peur
Et si je meurs avant la fin du monde
Et bien je connais la scène par cœur »
Karim Ouellet
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