Sur la fin de mon voyage de 5 mois avec Yohan, j’avais décidé de prendre un break au Nord de la Thaïlande, du côté de Chiang Mai tandis qu’il poursuivait sa route en direction des temples d’Angkor au Cambodge. Voici son carnet de voyage.
Jour 1, 6h du matin.
Après une nouvelle nuit en bus tout terrain, j’arrive à Siem Reap, la ville aux portes d’Angkor où tout le monde transite. Le calme règne dans les rues à moitié goudronnées, rongées par la poussière orange qui recouvre déjà largement le vert de mon sac à dos. Il me paraît bien lourd après cette nuit qui a plus ressemblé à un tour de grand huit qu’à une croisière sur le Nil. Sur le chemin de mon auberge, une Cambodgienne prépare des gaufres. Je saute sur l’occasion et dès la première bouchée je ne résiste pas : « one more please ! » Tout simplement délicieuse. Après une sieste bien méritée dans mon nouveau chez moi, je décide d’aller découvrir les environs et de trouver le meilleur moyen de visiter Angkor.
Pas encore sorti du bâtiment que je retrouve le brouhaha classique des scooters, de leurs klaxons et de la foule. Une cinquantaine de pas et déjà 4 chauffeurs de tuk-tuk m’ont proposé leur aide pour me transporter au « best price » sur le site d’Angkor. Je comprends assez vite où j’ai mis les pieds et décide de poursuivre mon chemin dans la ville, tête baissée. L’illusion matinale d’une ville calme et sereine venait d’être balayée.
A force d’accumuler les propositions de chauffeurs, j’ai bien compris qu’à moins de 15€ on ne pouvait même pas discuter. Je suis donc allé voir du côté de la location de scooters mais là encore, rien d’alléchant : minimum 10€ la journée. En mai 2013, j’ai pourtant fait le tour de l’Andalousie avec une voiture de location neuve à moins de 9€ par jour… Au milieu du Cambodge, le scooter coûterait plus cher ? Reste donc la dernière solution, le vélo. Je décide après négociation d’en louer un à 3,50 € par jour. Ce tarif me rappelle celui d’une location de scooter sur les îles Thaïlandaises et Thibaut finissant dans le fossé.
Jour 2, 5h du matin.
Je quitte ma chambre avec une seule idée en tête : atteindre le temple principal d’Angkor Wat avant le lever du soleil afin d’y admirer un spectacle que j’imagine unique. Avec une telle motivation en tête, la dizaine de kilomètres me séparant du site se fait sans forcer mais dans un noir absolu. L’important est de rester collé au bord de la route afin d’éviter toute collision avec les dizaines de tuk-tuk transportant les touristes.
Je m’acquitte de la taxe d’entrée pour un jour sur le site (20$) et fonce vers le fameux temple. Le soleil se lèvera une vingtaine de minutes après mon arrivée, sous les applaudissements nourris et la stupéfaction des nombreux visiteurs déjà sur place. Ayant déjà tellement entendu parler de la magie de ce spectacle, je redoutais un peu d’être déçu. Mais face à la beauté de la scène, je suis bel et bien émerveillé, comme tout le monde ici. Le temple, grandiose, joue à cache-cache avec le soleil orange qui se faufile entre ses tours.
J’ai décidé de profiter seul et à mon rythme de cette journée. Il y a déjà tellement de guides au travail, qu’il suffit de tendre l’oreille pour en apprendre plus que nécessaire. J’admire les temples un à un. Les visages sculptés à même les pierres semblent me suivre du regard. L’atmosphère est unique, d’autant plus que j’arrive à me retrouver régulièrement seul dans certaines ruines.
Sur les routes rectilignes entre les temples, des éléphants parqués en rang d’oignons attendent eux aussi les touristes. Leurs ancêtres avaient été amenés là par milliers pour aider à construire ces merveilles, eux les font visiter sur leur dos. La joie ne se lit pas dans leurs yeux. D’ailleurs, les coups de bâtons qu’ils reçoivent juste devant moi ne font que confirmer ce triste constat.
À l’heure du repas, je veux à tout prix éviter les restaurants bordants les temples. En effet, tous les tuk-tuk déposent les touristes ici et les rabatteurs m’appellent comme un animal, à intervalles réguliers. Je décide donc de m’écarter d’une dizaine de kilomètres au nord, là où ma carte (google maps préchargée sur mon téléphone) me laisse deviner un village. Avec mon vélo, j’atteins cet endroit assez vite.
Je constate qu’ici la route n’est plus entretenue tandis que j’aperçois les premiers habitants. Ce sont des paysans qui me dévisagent avant de me saluer très amicalement. Ils sont visiblement troublés ou étonnés de la présence de ce grand barbu hors des sentiers battus. En continuant, je croise deux enfants nus, se douchant dehors avec des sauts d’eau d’une couleur douteuse. Ils rigolent et me font de grands signes tandis que d’autres jouent avec des bouts de bois. Ici les maisons sont sur pilotis et offrent donc de l’ombre aux habitants comme à leurs cochons noirs.
Je ne remarque pas la moindre enseigne, rien ne ressemble à un restaurant, et le village touche déjà à sa fin. Je descends de mon vélo et demande à une famille où je peux trouver à manger mais personne ne parle un mot d’anglais. Par les signes nous nous comprenons et une personne m’accompagne dans un endroit où visiblement les visiteurs étrangers ne sont pas légion. L’accueil y est pourtant des plus souriants. Entouré que de locaux, on me sert le plat unique (une soupe de nouille exquise) pour un prix dérisoire.
Repus, je quitte ce village en coupant à travers champs, par un chemin de terre défoncé alors que plein de questions me viennent à l’esprit : Comment un village aussi proche de l’un des sites les plus touristiques du monde peut-il sembler aussi isolé ? Pourquoi ici les gens ne peuvent pas profiter un minimum de tout cet argent dépensé par les troupeaux de touristes ? Comment les routes si propres peuvent-elles s’arrêter nettes devant ce genre de villages ? Une seule certitude, personne n’a été aussi chaleureux avec moi dans Siem Reap que dans ce petit hameau. Quelle belle idée j’ai eu de me laisser guider ici par le hasard (et Google).
Fin du chemin de terre, retour parmi le troupeau. Je termine ma visite par un nouveau tour au temple d’Angkor Wat pour y apprécier une lumière différente du matin mais mettant toujours en valeur cette merveille.
En tout, ce fut un beau parcours de près de 50 km à vélo par 38°C (6 litres d’eau dans la journée). Une solution certes sportive, mais efficace pour apprécier à sa façon la beauté de ces temples vieux de plus de 900 ans.
Très beau récit !