Comme j’habite une partie de l’année à Montpellier, je suis souvent passé devant ce bâtiment sans vraiment y prêter attention. L’Opéra Comédie, sur la place du même nom, fait partie du décor montpelliérain. On lève parfois les yeux pour admirer sa façade, mais ce soir-là, pour Halloween, j’ai enfin franchi ses portes.
Le lieu : un bijou du XIXe siècle
Construit en 1888, l’Opéra Comédie est un petit chef-d’œuvre d’architecture à l’italienne. La salle n’est pas immense, mais elle dégage une élégance rare : balcons dorés, velours rouge, moulures, et surtout ce gigantesque chandelier suspendu au plafond, qui semble flotter au-dessus de la salle comme un soleil de cristal. On s’y sent à la fois minuscule et privilégié.


Ma (faible) culture classique
J’écoute souvent du classique, mais sans vraiment m’y connaître. Beaucoup de piano, du Beethoven et du Chopin, parfois en fond sonore quand j’écris ou voyage. J’ai déjà assisté à un concert de Sofiane Pamart, mais jamais à une vraie représentation avec orchestre symphonique. Pour être honnête, j’avais peur de m’ennuyer un peu, ou de trouver ça trop long. Et puis, il faut bien le dire : l’univers de la musique classique traîne souvent une réputation un peu snob. Mais ce soir-là, pas du tout. Pas de robe de soirée ni de costume-cravate autour de moi. J’étais venu avec mon jogging et mon t-shirt gris du quotidien, et personne n’a semblé s’en offusquer.
Les premières notes : une intensité inattendue
Dès que l’orchestre a commencé à jouer, j’ai compris que l’expérience allait être différente. Ce que l’on ressent face à un orchestre est décuplé par rapport à l’écoute au casque. On voit littéralement la musique se construire devant soi : les archets qui se lèvent, les cors qui répondent aux violons, les percussions qui grondent au fond de la scène. Et puis il y a le chef d’orchestre. Ce soir-là, c’était Nicolò Umberto Foron. Je ne sais toujours pas dans quelle mesure les musiciens suivent réellement ses gestes, mais c’est fascinant à observer. Sa posture, ses mains, ses regards… Par moments, je ne regardais que lui. À d’autres, je me concentrais sur une section de l’orchestre : les contrebassistes, par exemple, dont les gestes élégants et synchronisés semblaient presque chorégraphiés.
Vu d’en haut, l’ensemble devient une sorte de ballet visuel, une respiration collective. Et parfois, le silence, d’une intensité rare.

Un concert d’Halloween
Le programme du soir était parfait pour l’occasion. L’Orchestre national Montpellier Occitanie interprétait un répertoire sombre et mystérieux, idéal pour une soirée d’Halloween :
- Antonín Dvořák – L’Ondin
- Sergueï Rachmaninov – L’Île des morts
- Bernard Herrmann – Suite Vertigo
- Sofia Gubaidulina – Fairytale Poem
- Anatoli Liadov – Le Lac Enchanté
Des œuvres mystérieuses, sombres, parfois inquiétantes, mais toujours évocatrices. Même sans tout comprendre, j’ai été happé. Certaines pièces ressemblaient à des histoires racontées sans mots. J’ai totalement vécu la première œuvre.
Une nouvelle envie
Quand j’étais ado, j’écoutais souvent le Boléro de Ravel pour “m’endormir”. Enfin… disons plutôt pour passer le temps, à 2 heures du matin. Vingt minutes de montée lente, hypnotique, toujours les mêmes notes, et pourtant une tension incroyable. Ces dernières années, j’ai regardé plusieurs versions live sur YouTube, et j’ai compris à quel point cette œuvre répétitive est en réalité d’une précision vertigineuse. Il y avait beaucoup plus d’émotion qui ressortait. Et ce soir, dès les premières notes jouées à l’Opéra Comédie, j’ai su que j’avais un nouveau rêve à noter sur ma liste : voir le Boléro de Ravel joué en live.
Ce premier concert symphonique m’a rappelé une chose simple : il n’est pas nécessaire de tout comprendre pour être ému. Parfois, il suffit juste d’écouter, de regarder, et de se laisser porter par la beauté du moment.

