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Tête en l’air rejoint son auberge

Aujourd’hui, Monsieur Tête en l’air rejoint son auberge.

En faisant ma réservation pour cet hôtel dont j’ai oublié le nom, j’imaginais faire à pied les 3 kilomètres qui séparaient mon lit de l’aéroport. Sur le papier, l’itinéraire était simple. Mais dans l’avion, avec mes 3 heures de sommeil, je me suis dit qu’un enfant comme moi n’avait rien à faire dehors à cette heure là. Suite à mes exploits pendant la correspondance, désormais le projet était simple : je retrouvais le nom de mon auberge, je prenais un taxi (avec les quelques bahts restants de mon précédant voyage) et au lit.
Mais comme à Bangkok, aucun des 4 réseaux Wifi ouverts ne fonctionne. L’aéroport est petit et il n’y a pas beaucoup d’options une fois sorti. Il est 23h20, je me dirige vers le comptoir des taxis avec une vague idée du nom de l’auberge que j’ai réservé. Une histoire de Trek Forest ou Forest Trekking ou Campeur Trek… Les deux hôtesses au comptoir tirent la tronche. Je demande un hôtel avec le mot Forest, on me propose Rainforest Hotel. Proposition refusée. Je demande un hôtel avec le mot Trek et après n’avoir rien compris à la réponse les 3 premières fois, on me propose de laisser ma place. Proposition acceptée.
Le trajet en taxi pour le centre coûte 150 bahts. J’en ai 130. Il y a bien un distributeur mais il va se faire un malin plaisir de rajouter des frais et je ne supporte pas ça.
Après quelques minutes de réflexion, en observant les gens sur place, je me dis qu’il me suffit d’emprunter 5 minutes un téléphone pour accéder à mes mails et récupérer la confirmation de ma réservation. Toutes les personnes que j’observe, dotées d’un téléphone qui pourrait aller sur internet, sont déjà en conversation ou semblent s’amuser avec. Quelques instants plus tard, je fini par m’approcher d’un homme qui lui, a tout l’air de s’ennuyer devant son écran. Je n’ai pas encore terminé ma phrase qu’il me tend déjà son téléphone, sans un sourire ni même un regard. J’essaie de me familiariser rapidement avec le téléphone, je change la langue du clavier puis me dirige vers ma boite mails. Après deux échecs à cause de fautes de frappe, je réussi à me connecter sur Hotmail. Mais plutôt que d’accéder à mes mails, je devine un message d’erreur écrit en thaï, signifiant une connexion suspecte et me demandant de mettre mon adresse mail alternative (celle de mon père dont je ne connais pas le mot de passe).
Alors que de nouveaux passagers font leur arrivée, je remarque que mon bon samaritain tient dans ses mains une pancarte et la présente dans leur direction. La connexion 3G est lente et je n’ai plus beaucoup de temps. Sur Booking.com, je me plante deux fois en tapant mon adresse e-mail, et c’est un nouvel échec. Il n’y a rien pour ce soir dans mes réservations à venir. De nouveaux passagers déboulent de la sortie et mon sauveur fait un pas vers la zone d’arrivée. Il est plus loin que ses collègues qui attendent près des barrières et je sens bien que je l’ennuie. Il me faut finalement un long moment avant de me connecter, sans trop d’espoir, à Hotel.com. Et sans surprise, le résultat est le même : rien.
Je n’aurais donc pas réservé d’auberge? Bizarre…
Après un retrait douloureux au distributeur (qui me taxe 180 bahts) et une longue attente, le taxi me dépose en quelques minutes à l’entrée de la vieille ville, devant une ruelle animée où l’on peut y trouver des auberges.
Je passe notamment devant un bar se vantant d’être le plus petit du monde. Il n’y a en effet pas de place pour plus de 2 personnes, assises par terre devant 2 bières posées sur un plateau en bois. Collé à cet établissement, un deuxième bar diffuse du foot. Et assise sur un tabouret, face à la rue, une femme m’interpelle.

Do you want to come to my house?

Par réflexe, je ne réponds pas et continue d’avancer. Mais réalisant que ça me permettrais d’avoir une idée des prix, je change d’avis. Après tout, je cherche une chambre. Alors, innocemment, je me retourne dans sa direction.
— How much for the night?
Sans m’en rendre compte, je venais de demander pour la première fois de ma vie, le prix de la consultation à une péripatéticienne.
— It was a joke ! It’s not for the night ! s’exclame t’elle, moqueuse, alors que je réalise déjà mon erreur.
— Very funny ! lui dis-je en ayant déjà repris ma route et en levant le bras droit en guise de salutations.
Quelques mètres plus loin, sur le wifi d’une auberge complète, je retourne sur Booking. Certes, il n’y a pas de réservation à venir pour ce soir ; mais ce qu’on ne voyait pas depuis le téléphone, c’est qu’il y a bien une réservation en cours : Trekker Camp !
Je viens de faire quelques frais inutiles, il est minuit et demi, mais maintenant le projet est très simple : trouver un tuk-tuk et au lit. L’itinéraire est chargé mais la batterie de mon ordinateur est bientôt vide (j’ai écrit une partie de l’article précédent pendant le vol).
En reprenant ma marche dans la direction où le taxi m’avait déposé, un vieil homme, qui n’a pas eu le temps de me proposer ses services tout à l’heure, est toujours là. Il me fait penser à Agecanonix ; mais une version très fatiguée. Lorsqu’il ne parle pas, sa bouche s’agite comme celle d’un lapin en train de mâchouiller une carotte.
— I need to go to Trekker camp.
— Tekeur cramp !?
— Trekker camp !
— …
Je me répète à plusieurs reprises mais je n’obtiens aucune réaction. Je sors alors de mon sac mon ordinateur, pour lui montrer la carte et l’itinéraire que je viens de charger. Il ne reste plus que 10% de batterie. Sa femme s’approche pour faire également connaissance.
— Vous voulez à boire?
— No, thank you.
Monsieur a sorti ses lunettes et reste bloqué devant l’écran. Je zoome, je dézoome, mais je sens bien qu’il est perdu. J’ai pourtant mis le point de départ au niveau de l’hôtel, à tout juste 50 mètres de notre position. Et la vieille ville, où nous somme, est un carré délimité par des douves, très faciles à repérer. Nous sommes dans un angle mais il pense être dans celui opposé. Alors, effectivement, on part de loin. Mais après tout, il n’y a que 2,8 kilomètres et deux changements de direction : j’y crois. Cet homme est tout de même un professionnel : il dispose d’un véhicule typique garé juste en face. Et preuve de son professionnalisme, il ramène justement une carte de son taxi. Pendant ce temps, sa femme en a profité pour continuer les présentations.
— Vous voulez manger?
— No, thank you.
Je sors de mon sac mon chargeur et le branche, sans demander la permission. Trekker Camp n’a pas l’air très connu ; sans batterie j’aurai peu de marge de manœuvre.
Sa carte est désormais proprement étalée, à côté de mon ordinateur. Et la comparaison entre la version numérique et la version papier s’éternise. Il doute et veut appeler l’hôtel pour en savoir plus, mais chacune de ses tentatives restent sans réponse. Je me rends alors compte que son téléphone est plutôt récent. J’essaie de lui expliquer qu’en mettant l’adresse dans son téléphone, il pourra être guidé. Il ne comprends pas. Je lui prends le téléphone des mains et lui redonne aussitôt, le temps qu’il me change le clavier. Quelques instants plus tard, nous somme près à partir. Du moins, techniquement nous sommes prêts. J’ai beau lui répéter qu’une fois lancé, le point va se déplacer et lui dire où aller, ça ne l’intéresse pas. Il regarde les cartes. Si je lui propose de la potion magique, ça ne va pas le faire rire… À cet instant, j’aimerais vraiment pouvoir parler Thaï couramment, pour lui toucher deux mots.

On est a 2,8 kilomètres, il y a juste deux virages à faire et t’as un putain de GPS, Michel !

Oui, j’ai tendance à appeler tous les gens que je ne connais pas Michel et à trouver ça rigolo. Mais là, Michel n’est pas drôle du tout. Il continue de me demander de zoomer et dézoomer Google maps sur mon ordinateur tandis qu’il compare avec sa carte. On dirait une caméra cachée. Sa femme n’a plus d’idée de conversation et a l’air aussi pressée que moi que l’on s’en aille. Je me dis que la meilleure façon de m’en sortir, c’est de lui demander le tarif car de toute façon, je sens qu’il ne va pas me plaire. Ce sera 100 Baths et pas un de plus.
— How much to go there ?
— 150.
— Je viens de payer 150 et l’aéroport est deux fois plus loin ! (et ton véhicule est deux fois moins classe)
— …
— 100 ?
Il me sort alors l’argument classique : tandis que moi je vais gentiment être déposé à mon hôtel de prestige, lui, devra alors faire le chemin en sens inverse ; 2,8 kilomètres de plus. Et c’est que ça consomme ces petits tuk-tuk vous savez !
Je m’éloigne pour récupérer mon chargeur, branché au dessus d’un congélateur. Madame en profite pour revenir me glisser des mots doux.
— Vous voulez une glace?
— No, thank you (mais je vais me barrer par contre). Ok nevermind, I will walk !
Je n’ai pas vraiment l’intention de marcher mais je n’ai pas non plus l’intention de capituler si vite. J’avance et il ne me court pas après. Tant pis.
Au bout de la rue, un homme se repose dans son tuk-tuk. Ce sera 100 Bahts et pas un de plus. Lui non plus ne connaît pas le nom de mon auberge mais il se repère assez facilement sur mon plan. Le tarif passe rapidement de 150 à 120 puis à 100 et nous voilà en route pour Trekker Camp !
Sur le chemin, à quelques mètres d’intervalles, défilent ce qui ressemble à des clubs de strip tease. Pourtant, à chaque fois il m’a semblé lire “Karaoké” au milieu des nombreux néons. Devant, il y a toujours une ou deux rangées de tabourets avec des filles habillées plus ou moins sexy qui s’ennuient toutes en tapotant sur leur portable. Je pensais avoir atterri à Chiang Mai, ville charmante du Nord, pas à Pattaya. Sur le plafond du tuk-tuk, il y a un poster avec des dizaines de filles souriantes en maillot de bain ; et en bas, l’inscription KARAOKE avec un numéro de téléphone. Drôle de façon de pratiquer le chant… Obélix dirait probablement qu’ils sont fous, ces asiatiques.

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