• Menu
  • Menu
Van life nuit

Les affaires reprennent

J’aurais pu rester encore de nombreuses semaines, confortablement installé dans mon T2 de Thonon-les-Bains. J’estimais que je vivais au bord du plus beau lac du monde et pourtant je ne le voyais parfois pas de la semaine.
Mon Daccia Dokker Van était prêt à décoller mais depuis son achat et les rapides modifications réalisées avec mon père pour le rendre “habitable”, il ne servait presque que pour sortir faire les courses.
En attendant je me contentais sans peine de gérer mon parc d’attractions sur mon ordinateur, de regarder le cours des cryptomonnaies, d’alterner entre le foot, le catch, la cuisine et les tutos YouTube.
45m2 habitables, c’était bien trop pour moi mais l’appartement se louait bien.

Le petit coup de pouce (pour ne pas dire coup de pied au cul) est arrivé du jour au lendemain, par mail. Une demande de réservation Airbnb :
Durée du séjour : 2 semaines
Versement estimé : 609,25€
Arrivée prévue : demain
C’était la bonne excuse pour prendre l’air. Je me disais simplement que je retournerai dans le Sud-Ouest voir comment se porte l’océan. J’ai rassemblé toute ma collection de boxers et chaussettes dans une boite, le matos électroniques dans une autre et j’ai fait le ménage avant de partir.

Au bout de trois jours de route, j’ai naturellement accueilli la rigueur dans ma vie car elle était nécessaire avec désormais 3m2 à disposition. Les cartes de crédits, les fringues propres et sales, les sacs poubelles (des sachets pour les fruits et légumes Lidl), les clefs, la nourriture, les sucreries, les produits d’entretien, mes lentilles, mes lunettes, l’électronique, l’eau, les chaussures, tout était (quasiment) toujours à sa place et/ou dans sa boite. J’ai fait quelques ajustements techniques et racheté d’autres boites pour être plus ordonné. Et je me levais aux alentours de 07h00 pour pouvoir maximiser mes journées entre la route et les découvertes, avant que le soleil ne se couche.

Extrait d’une journée maximisée.

“Tu verras, tu comprendras quand tu trouveras la bonne.”

En squattant sur la route le parking d’un Carrefour, j’ai repensé à cette phrase que m’avait dit une collègue du rayon fruits et légumes quand je m’étais séparé il y a plusieurs années.
Je trouvais ça mignon. L’idée que parmi plus de 3 milliards de personnes du sexe opposée il n’y ait qu’une bonne personne. LA bonne, que l’on rencontre, comme par hasard, toujours à côté de chez soi, à son travail ou sur Tinder. La vie est quand même bien fichue. C’était un peu gros comme mensonge mais sûrement aussi rassurant que de croire en Dieu.
J’aimais croire sincèrement en l’amour mais si l’on s’attire c’est pour se reproduire, et si l’on s’aime, c’est pour élever des enfants. La bonne personne, c’est juste de la chimie qu’on préfère romancer. Ce n’est pas moi qui l’invente, c’est simplement la nature.
Ce n’est pas pour ça que je n’ai pas vécu l’amour. J’ai ressenti au niveau du cœur des choses aussi fortes que le bonheur et je me suis perdu dans des câlins qui valaient tout l’or du monde. Je suis bien placé pour savoir que des personnes nous touchent plus que d’autres.
Vous pourriez penser que si ça n’a jamais duré plus de quelques années c’est sûrement que j’étais infidèle ou violent ou malhonnête et vous auriez tort. C’est bien souvent juste parce que c’était moi qui n’étais pas la bonne personne. À toujours vouloir être ailleurs, à ne pas faire les choses comme tout le monde, à manquer d’ambition, à être incapable de faire preuve de sociabilité. Je n’étais pas le bon pour être en couple, tout spécialement quand on dépasse la trentaine et que dans le camp d’en face, on sait qu’un jour, pour faire des enfants, il sera trop tard.

J’ai depuis appris que l’on pouvait aimer sincèrement sans être en couple mais je ne vous spoilerai pas le dernier chapitre de mon livre
 

Quand j’avais vingt ans, j’imaginais essayer de tout mettre en œuvre pour devenir autonome. Développer son chez soi et son jardin, au fil des années, me fascinait. J’avais étudié toutes les possibilités pour ne plus dépendre de personne ou presque, pour essayer d’être indépendant en énergie et en nourriture. C’était possible mais il fallait reconnaître qu’il n’y avait pas vraiment de solutions miracles. La simple idée de mettre des panneaux solaires était encore très marginale. Mais des histoires comme celles des Jardins Secrets, que j’avais visités non loin d’Annecy, me faisaient totalement rêver.
À l’époque, sur mon CV de voyageur, il n’y avait qu’un séjour assez moyen en all inclusive au Maroc. Et si on m’avait donné le choix entre la liberté autour d’une maison ou celle autour du monde, j’aurais sûrement pris la première option. C’était bien sûr avant de faire ce premier grand voyage entre Australie, Nouvelle-Zélande, Indonésie et de notamment dormir à trois d’abord en break puis dans une simple berline, à chaque fois pendant un mois.

Devant le lac Tekapo en 2010.

Après ce départ, je ne vivais désormais plus que pour le voyage. Et pendant presque dix ans, sans jamais vraiment repasser par la case départ, j’ai pu faire en sorte de découvrir le monde à ma guise et j’ai gentiment mis de côté mes envies d’autonomie, de petite maison et d’extérieur à développer au fil des années.
Maintenant, pratiquement 15 ans plus tard, tout ce que j’imaginais avant de voyager est presque devenu à la mode. On peut parler d’autosuffisance, de tiny house, de van life ou de permaculture sans avoir l’air d’être un simple rêveur naïf. Et avec YouTube, il est devenu beaucoup plus facile de se projeter et de découvrir des projets de vie inspirants. Je pense notamment à la chaîne Voyage Voyages ou à l’Archi Pelle.

Dans les Gorges de l’Ardèche.

Comme prévu, une fois arrivé devant l’océan majestueux, personne ne m’attendait. Le petit objectif de départ de rejoindre l’Atlantique était simplement coché.
Désormais c’était un peu comme avancer face au vide. On sait qu’après il n’y a plus rien, si ce n’est l’inconnu. Pour certains c’est impossible d’y faire face, d’autres ne vivent que pour ça. J’aime bien être entre les deux. En n’ayant aucune réservation à prendre, d’itinéraire bien précis à suivre ou de délai à respecter, je retrouve un peu la même ferveur que lors de mon premier road trip mais je sais aussi que le retour à la maison est possible.
Si vous êtes en train de vous dire que c’est l’excitation du début, vous avez raison, et je n’ai jamais prévu de vivre à l’année comme je le fais actuellement. Par contre, pendant cette grosse dizaine de jours sur la route on a eu le temps de faire le point, mon cerveau et moi. Et on s’est peut-être enfin mis d’accord pour envisager une vie en autonomie, sans forcément la belle maison de campagne et les chambres d’hôtes, le crédit, la vie de couple lambda, et toutes les concessions qu’il fallait envisager quinze ans en arrière.

Une nuit au calme.

Surpris qu’autant de jours se soient écoulés si vite, je me suis vraiment posé une journée entière au bord de l’océan pour faire un petit bilan et écrire cet article (et parce qu’il faisait tout gris).
Ces derniers jour, j’ai dormi sur le parking d’un hypermarché, au bord de la mer, à côté de l’arche des Gorges de l’Ardèche ou simplement au milieu de nulle part. Souvent je me faisais rêver avec ma petite tanière mobile, en improvisant la plupart des journées en fonction de la météo ou d’un simple panneau sur la route. Je ressemblais un peu au gamin que j’étais enfant et qui pour respirer dans sa cabane, faisait des trous dans sa couette ou passait sa journée à dessiner dans un placard. Des fois je me disais qu’on devait me trouver un peu ridicule à me doucher partout sauf dans une douche et à vivre à l’arrière d’un si petit véhicule, mais ça me rendait plus fier qu’honteux.

Je suis garé à 50 mètres.

Sur ce parking agencé discrètement au milieu d’une forêt de pins au bord de l’océan, je suis installé entre des camping-caristes haut de gamme et une bande de marginaux. La différence se fait au look de leur véhicule, aux nombres de chiens plutôt que d’enfants qui voyagent avec eux et au fait que dans le lot, il y en a un capable de taper sur son tam-tam les 3 mêmes notes pendant 10 minutes sans se trouver ridicule. Je ne suis ni camping-cariste ni vraiment marginal et j’aime l’idée de passer inaperçu. Parfois, quand j’ouvre la porte coulissante, je peux apprécier la surprise sur le visage de certaines personnes qui réalisent que cet utilitaire n’appartient pas à quelqu’un dans le bâtiment.
J’aime aussi beaucoup l’idée de vivre simplement alors que je n’ai jamais eu autant d’argent dans ma vie et que j’ai de quoi faire dix fois le tour du monde.

Et ce léger sourire qui dure aux coins des lèvres quand je fixe l’horizon les mains sur le volant, il est si précieux. 



2 commentaires